Pour ne pas déroger aux règles de précaution, c’est sans bise ni serrage de mains mais sourire aux lèvres et cœur vaillant que nous nous retrouvons pour une sortie dans le Luberon. Nous allons visiter le site ocrier des mines de Bruoux et l’hôtel particulier d’Agar à Cavaillon.
Les mines de Bruoux
C’est dans le village de Gargas (Vaucluse) à quelques kilomètres d’Apt, que se situent les mines d’ocre. Dès notre arrivée, les falaises jaunes orangées, à l’à-pic impressionnant, se dressent devant nous. Par souci de sécurité, c’est « charlottés », casqués et badgés (au diable l’élégance !) que nous entamons cette visite dans un vaste dédale de galeries de plus de 40 km, laissant découvrir ici une nappe souterraine à l’eau cristalline, là une champignonnière. Nous avons suivi un parcours aménagé et balisé de 650 m, à une température ambiante d’environ 10°. Durant une cinquantaine de minutes, nous évoluons un peu à tâtons, en écoutant les explications instructives de notre sympathique guide, qui nous fait partager son savoir dans la bonne humeur et avec humour.
Remontons un peu le temps :
La petite histoire de l’ocre commence il y a 100 millions d’année avec la formation du massif des ocres ; c’est Jean-Etienne Astier en 1785 qui découvre le principe de la fabrication.
Les premières extractions du minerai d’ocre remontent aux environs de 1848. L’excellente qualité de ce minerai extrait a donné sa véritable impulsion à l’industrie de l’ocre sur la commune, qui va connaître le plein essor en 1880. Deux familles les Anselme et les Janselme se partagent l’exploitation de la mine, d’abord souterraine puis bien plus tard à ciel ouvert.
L’extraction se faisait ainsi : un ouvrier, appelé mineur d’avancement, éclairé par une lampe à acétylène, balançant sa pioche à deux têtes de droite à gauche, taillait le minerai pour façonner la voûte de la galerie. Un ouvrier ocrier gaucher, mieux payé que son collègue droitier, intervenait à gauche pour creuser une étroite cheminée. Le droitier évidait celle de droite, ainsi était dégagé un bloc central. On perçait alors un trou au milieu du bloc pour y mettre de la poudre noire (mélange de salpêtre et de charbon de bois) qui le faisait exploser sans abîmer les parois. La progression du mineur d’avancement et de la galerie allait de 70 centimètres à 1 mètre par jour. Sept pics par jour étaient nécessaires, le sable ocreux s’avérant très abrasif.
Des puits d’aération étaient aménagés afin de préserver un peu la santé des ocriers soumis à la fine poussière contenant de la silice ; pour faciliter l’évacuation en cas d’accident, les galeries avaient été mises en communication. Pour que la galerie soit bien droite, on positionnait un fil à plomb en arrière du mineur d’avancement. Une lampe à carbure éclairant le fil à plomb, provoquait une ombre permettant de respecter l’alignement.
Dans ces lieux la sécurité était indispensable, aussi un règlement préfectoral était instauré : les piliers perdus devaient mesurer 6 mètres de large, les galeries rectilignes 3 mètres de large, 5 à 12 mètres de haut avec obligation de former des voûtes en ogive, appelées aussi voûtes « cathédrale ». Le système de transport par rails et wagonnets a facilité grandement l’acheminement des sables ocreux vers l’extérieur, de même que la mise en place de captage d’eau et de réservoirs ont permis le lavage des mottes d’ocre beaucoup plus rapidement et d’en extraire, après séchage et tamisage le pigment. Le sable contenant 15 à 20 % d’ocre il fallait donc en extraire de grandes quantités ! A son apogée, la production d’ocre dépassait les 40 000 tonnes.
L’ocre est un pigment résistant naturel et inaltérable, composé d’argile et d’oxyde de fer. Cette matière colorante entre dans la fabrication des peintures, enduits et autres badigeons mais aussi dans de nombreux autres produits industriels.
Ainsi ces galeries y sont creusées et façonnées jusque vers 1950. De nos jours la dernière carrière d’ocre d’Europe en activité est toujours située à Gargas, exploitée par la Société des Ocres de France, qui extrait le minerai à ciel ouvert et ce sont 800 tonnes d’ocre par an qui sont encore produites.
La Société des Ocres et la Coopérative OKHRA vont faire revivre l’histoire locale de l’ocre et ses usages ; la société ARCANO est créée en 2009 et c’est ainsi que depuis cette date, ce site préservé est ouvert au public. Actuellement on peut comptabiliser pas moins de 33000 visiteurs par an.
Nous avons découvert un site majestueux au décor unique et mystérieux, véritable plongée dans un univers esthétique de l’ocre qui rend hommage au travail des ocriers, ces mineurs de la couleur.
Cette 1ère visite terminée, c’est déjà l’heure du repas ; le restaurant « le Bouchon Lyonnais » à Cavaillon nous accueille avec un délicieux menu que nous dégustons avec un plaisir réel et grand appétit !
Une courte marche digestive sous la pluie nous amène vers la visite suivante.
L’hôtel d’Agar
Situé dans la cité épiscopale de Cavaillon, cet hôtel particulier a été bâti au XII° siècle par la famille d’Agar sur les ruines de la ville grecque et romaine. Remanié au fil des siècles il a dévoilé de nombreux trésors archéologiques et artistiques : une tour gothique du XV° siècle, un plafond Renaissance (1537), un unique cycle médicéen de cheminées en gypseries (1600) racontant l’histoire des Argonautes mais également ce qui est appelé le fameux « trésor de Cavaillon » : les 304 remarquables deniers d’argent.
Christian Morand et Véronique Valton, couple de médecins en sont les propriétaires depuis 1990. Ils ont choisi d’ouvrir les portes de ce lieu historique et magique en l’an 2000 pour le plus grand plaisir des visiteurs, en y invitant aussi de nombreux artistes contemporains pour des expositions éphémères ou pérennes.
Collectionneurs hautement passionnés, ils ont côtoyé le monde des antiquaires et parcouru les salles de ventes, à la recherche de l’objet rare voire éclectique. Le goût sûr et l’œil particulièrement avisé, ils ont fait de cette demeure un cabinet de curiosités, véritable caverne d’Ali Baba où l’antique se mêle agréablement au contemporain pour un résultat époustouflant ! On peut tout aussi bien y admirer une épée et deux tableaux attribués à Caravage « le Pardon » et « le Martyre de Saint-Sébastien », qu’ une crèche en porcelaine de Sèvres d’art contemporain de Myriam Michita, un des plus vieux meubles de pharmacie au monde et ses pots du XVIII° comme un fauteuil signé Philippe Starck ! Notre regard ne sait où se poser, tellement les œuvres y sont nombreuses et intéressantes de par leur origine et leur histoire.
Cependant force est de constater que ce sont les deux Caravage qui en restent les œuvres majeures. Ces « clair obscur » ramenés d’Italie en 1613 par Louis Finson (élève de Caravage) proviennent d’une collection prestigieuse de Nicolas-claude Fabri de Peiresc, grand érudit universaliste de l’époque baroque et ami de Galilée, qui les garde secrètement dans son cabinet ; à sa mort en 1637 ces tableaux sont installés, à sa demande, dans son tombeau où ils resteront jusqu’au milieu du XIX° siècle. Mis en vente par les descendants de Peiresc, c’est en 1992 qu’ils entreront dans les collections de la famille Morand.
Par ses anecdotes plus passionnantes les unes que les autres et tout son savoir, notre conférencière a su captiver notre attention et nous faire apprécier ce passage à travers le temps et l’histoire, dans cette belle demeure où les arts d’hier et la création arrivent à dialoguer dans une parfaite alchimie, sans aucune antinomie.
Nadine Luap et Jeanne Rouve</p
Crédits Photos: Jean-Claude BONNAFÉ
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Crédits Photos: René POHL
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